Interview de Charles Youel, fondateur de ARTCRANK : "Nous rendons l’art aussi accessible que les vélos".

Interview de Charles Youel, fondateur de ARTCRANK

Depuis ma première collaboration avec ARTCRANK® en 2013, mon attachement aux choix artistiques et éthiques du collectif américain n’a cessé de grandir. Du fun, du vélo, des affiches imprimées en sérigraphie et de la bière, tel est l’ADN que Charles Youel (fondateur) a su donner aux évènements qu’il a créé aux USA et en Europe. Il a aujourd’hui accepté de répondre à mes questions.

 

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8 ans après, ARTCRANK est devenu un véritable phénomène aux USA ! Comment es-tu parvenu à faire cela, et à réunir l’énergie et le talent d’un si grand nombre de gens pour célébrer le vélo urbain ?

 

Charles Youel : Honnêtement, personne n’a été plus surpris que moi. J’étais certain que ARTCRANK avait le potentiel pour devenir un évènement national ou international quand j’ai commencé en 2007. Mais à cette époque, ma seule ambition était juste d’organiser une grande fête avec plein de belles affiches sur le vélo. Et je crois que c’est encore le cas aujourd’hui.

 

Il y a une expression typiquement américaine qui date de l’époque de Benjamin Franklin au 19e siècle : “Catching lightning in a bottle” (capturer un éclair dans une bouteille). Simplement, cela veut dire que créer quelque chose au bon moment vous permet de réussir. J’ai lancé ARTCRANK au moment ou les affiches sérigraphiées et le vélo commençaient tous deux à faire partie de la culture populaire et de la vie quotidienne des américains. La popularité de ces deux pratiques grandissantes ont alors fait ce qu’ARTCRANK est aujourd’hui.

Expo ARTCRANK Charles Youel photo JChapman

 

Aussi, d’un point de vue personnel, c’est arrivé au moment où – comme la plupart des commandes créatives – j’étais concentré sur des projets interactifs et numériques. Je voulais faire quelque chose qui puisse combiner mon goût pour le design et le vélo, trouver un moyen de célébrer le travail artistique fait-main et créer une véritable manifestation où les gens pourrait y vivre une belle expérience humaine, pas un simple clic sur un site web. Je pense que ARTCRANK a permis de réunir beaucoup de gens qui pensaient de cette façon.

ARTCRANK Charles Youel photo JChapman

Tu es concepteur-rédacteur et directeur artistique freelance à Minneapolis. Comment as-tu utilisé cette expérience avec ARTCRANK ?

 

Charles Youel : Je travaillais dans la publicité et le design graphique avant de créer ARTCRANK, l’expérience acquise dans ce métier a définitivement formé et influencé mon approche pour bâtir cet évènement comme une véritable marque et un business. En même temps, ce que j’ai appris à travers ARTCRANK a fait de moi un meilleur directeur artistique. Maintenant c’est presque impossible de dissocier ces deux activités.

 

Aujourd’hui mon objectif pour ARTCRANK est de diversifier ce que nous faisons au delà d’uns simple manifestation pour partager le travail d’un plus grand nombre d’artistes indépendants vers un public encore plus large. Cela commence par la création d’un nouveau site web doté d’une boutique qui nous permettra de vendre des affiches en ligne pour la première fois. Ça continue par la mise en forme de ce qui sera, j’espère, une collection de livres présentant une partie des 2 000 affiches que nous avons eu le privilège de montrer à travers nos manifestations.
Pour accomplir cet objectif, nous ferons beaucoup moins d’évènements en 2015. 4 ou 5 manifestations contre 12 ou 15, notre moyenne habituelle dans les années passées. Je veux continuer à organiser ces manifestations, mais nous allons essayer de nous consacrer à des évènements plus grands dont la durée dépassera celle d’une soirée – spécialement dans les villes situées en dehors des Etats-Unis.

ARTCRANK 2014 à Washington, photo par Francis Tatem

Pourquoi ARTCRANK a t-il choisi de montrer uniquement des affiches imprimées en sérigraphie ou en presse typographique ? Est-tu un véritable passionné d’art et d’impression artisanale ?

 

Charles Youel : Je dirais que notre choix de montrer exclusivement de la sérigraphie ou de la presse-typographique, est à la fois philosophique et commercial.
Philosophiquement, comme pour toutes nos manifestations ARTCRANK, nous voulions créer une expérience très “analogique” (concrète) pour notre public – une de celles où les gens ont envie d’aller pour acheter des affiches – nous voulions aussi célébrer à travers ces affiches l’impression artisanale et le fait-main. C’est une des raisons pour laquelle toutes nos affiches sont exposées non encadrées. Nous tenions à ce que les gens puissent voir les couches d’encre qui composent chaque création en montrant toute la valeur du travail technique que cela représente.

 

D’un point de vue plus commercial, nous avions l’habitude d’être moins restrictif. Mais nous avons constaté au fil des expos que les affiches les plus vendues étaient de loin celles qui étaient imprimées en sérigraphie ou en presse-typographique. Cela a rendu plus facile la décision de nous restreindre à ces techniques d’impression.

ARTCRANK 2014 à Boston, photo par Robert WarrenCharles Youel fondateur de ARTCRANK

Une des raison du succès d’ARTCRANK est que les gens ont la possibilité de rapporter à la maison un véritable tirage d’art à prix abordable ($40 U.S. / £35 U.K.). Est-ce que ça ne serait pas possible de faire aussi bien avec des tirages numériques (Digigraphie, giclee) ?

 

Charles Youel : La première mission d’ARTCRANK c’est “Nous rendons l’art aussi accessible que les vélos”. Je suis réellement enthousiasmé par l’idée que tout le monde puisse devenir amateur d’art et je veux que les gens qui viennent à nos manifestations puissent ressentir cela. S’ils voient quelque chose qu’ils aiment, ils auront la possibilité de l’acquérir pour un prix abordable et savent qu’ils posséderont une véritable œuvre d’art originale – pas juste un truc régurgité par une machine. Nous pourrions vendre des impressions numériques de ces affiches à moindre prix, cependant je pense qu’une des choses qui distinguent ARTCRANK, c’est justement que le travail que nous présentons est fait à la main, et je suis fier de cela.

Charles Youel fondateur de ARTCRANK, photo par Sarah YaggiARTCRANK 2014 à Washington, photo par Francis Tatem

Comment pourrais-tu décrire ta relation avec les milliers d’illustrateurs et graphistes talentueux qui t’on fait confiance ? Qui bénéficie des ventes d’affiches ?

 

Charles Youel : Évidemment la possibilité d’attirer des artistes de talent, graphistes et illustrateurs est essentiel à la réussite d’ARTCRANK. Pas d’artistes, pas d’affiches, pas d’évènement. Nous prenons une commission sur les ventes d’affiches pour contribuer aux investissements nécessaires à l’organisation et à la promotion de nos manifestations, mais les artistes qui créent les œuvres reçoivent la majorité des gains.

 

Globalement, nous essayons de travailler de façon très organisée et professionnelle. Cela permet de veiller à ce que nos évènements soient toujours une expérience agréable pour nos artistes et le public, et payer à chacun son dû en temps et en heure. Le meilleur compliment que j’ai pu recevoir vient d’un artiste : “J’adore venir à ARTCRANK parce que c’est la manifestation la mieux organisée à laquelle j’ai participé”. Nous voulons que tout le monde ressente la même chose.

ARTCRANK 2014 à Portland, photo par Kenton Waltz

J’ai entendu que tu travailles actuellement sur un livre ! Peux-tu m’en dire plus ce ce grand projet ?

 

Charles Youel : Nous y sommes ! C’est un projet que j’ai toujours voulu faire depuis notre première manifestation en 2007, et nous allons enfin prendre le temps pour ça cette année. Nous avons une collection de plus de 2 000 affiches issues de plus de 80 expositions, je meurs d’impatience de faire découvrir mes préférées avec ceux qui n’ont pas eu la chance de les voir. J’espère que ce livre sera prêt en novembre de cette année et qu’il sera le premier d’une longue série.

photo ARTCRANK 2014

Merci pour tout ! Juste une dernière question : à deux reprises, ARTCRANK a travaillé en partenariat avec Velib’ à Paris pour des expositions éloignées de vos évènements habituels – moins d’artistes, une tarification différente, etc. Est-ce que nous aurons un jour la chance d’accueillir un véritable évènement ARTCRANK en France ?

 

Charles Youel : Je l’espère. Nous faisons un petit break sur l’organisation des évènements cette année pour travailler sur notre nouveau site et le livre, mais dans le futur, je veux faire plus de dates en dehors des États-Unis. Les artistes français avec lesquels nous avons eu l’opportunité de travailler ont été merveilleux, et j’adore l’idée que nous puissions faire grandir ensemble la communauté pour créer une énorme fête autour de l’affiche et du vélo.

ARTCRANK 2014 à Portland, photo par Kenton Waltz

Toutes les infos, dates et évènements sur le site ARTCRANK.

 

 

©2015 Dezzig pour la traduction / Photographies ©2015 par ARTCRANK®, Robert Warren, Jonathan Chapman, Francis Tatem, Kenton Waltz, Miguel Angel, Sarah Yaggi.

 

 

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